L’AVEN
DU MONT MARCOU
Première du grand
puits : 165 mètres de verticale absolue
Pour
moi l’histoire commence en 1963 . Les spéléos Éclaireurs
de France du Clan du Grand Cèdre de Castres découvrent
dans un texte de Robert de Joly un commentaire sur l’aven
du mont Marcou .
La montagne du Marcou est située
à la limite des trois départements Tarn , Aveyron ,
Hérault , dans la partie nord des Monts de l’Espinouse
.Le sommet culmine à 1094 mètres ; la ferme du Marcounet
juste en dessous est accessible par une petite route
qui part de St Géniès de Varensal .L’entrée de la grotte
est à 800 mètres de la ferme , dans le département de
l’Hérault .
Le professeur de Joly va descendre
de quelques dizaines de mètres puis interrompre sa progression
: un énorme bloc de calcaire est suspendu au plafond
d’une petite salle , juste au-dessus du passage très
étroit qui doit permettre de continuer ; il n’ira pas
plus loin .
L’équipe de Castres décide d’aller
voir de plus près .
Après plusieurs sorties en 1963
et 1964 ils ont beaucoup progressé.
Le gros bloc suspendu est examiné
de partout ; il est en fait soudé au plafond par une
belle couche de calcite et il ne tombera pas de sitôt
.
L’étroiture
est désobstruée et une chatière d’une dizaine de mètres
permet l’accès à une grande salle très en pente qui
portera le nom de salle de Joly en l’honneur de celui
qui a permis la découverte .
Cette grande salle débouche sur
une longue et haute diaclase (faille) au fond de laquelle
coule une rivière souterraine (souterraine bien sûr
puisque à cet endroit on est à peu près à 100 mètres
sous terre) .
Les spéléos descendent la rivière
et ses trois cascades puis arrivent au-dessus d’un très
grand puits qui deviendra la singularité de l’aven du
Mont Marcou .
C’est un grand trou noir de 10
mètres de diamètre qui plonge en s’élargissant . Le
bruit d’un caillou qui s’écrase au fond ne revient aux
oreilles de celui qui l’a lancé que longtemps après
, ce qui laisse supposer une grande profondeur .Pour
avoir personnellement testé le phénomène : c’est surprenant
.
Il n’est pas question d’attaquer
un trou pareil uniquement avec des échelles .
Descendeur
et autre jumar ne sont connus que par quelques rares
spécialistes à l’époque .
Bien sûr à partir de ce moment
les spéléos de Castres préviennent les copains et la
Fédé (Fédération Tarnaise de Spéléo-Archéologie : FTSA)
.
Il faut avant tout connaître
la profondeur de ce puits .
En novembre 64 deux équipes sont
constituées : l’ équipe de pointe doit faire la mesure
du grand puits et l’ équipe de soutien doit remonter
le matériel laissé en place par la première équipe ;
cela permet à un plus grand nombre de spéléos de participer
et pour certains de faire leur première descente du
Marcou .
C’est le cas pour l’équipe de
pointe constituée de Claude Bou et Claudie sa future
femme tous deux d’Albi, J-F Puget et moi-même du Clan
Tapitawi Spéléos Éclaireurs de France de Carmaux .
Cela ne fait que 4 personnes
avec tout le matériel pour équiper les différents puits
avec échelles et cordes d’assurances ; on traîne notre
matériel dans des sacs prévus à cet effet de petit diamètre
et très commodes .
Tout
se passe bien et notre petite équipe avance vite .
Le plus dur est d’être trempés
jusqu’aux os dès la première cascade ; la rivière coule
assez fort , l’eau est froide . Nous n’avons pas de
combinaison étanche mais seulement un bleu de travail
style mécano . Nos lampes à acétylène s’éteignent chaque
fois qu’on passe sous l’eau à tour de rôle , mais cela
n’arrête pas notre progression .Le moral est bon et
nous nous entendons très bien .
Nous arrivons au bord du grand
trou qui portera le nom du club qui l’a découvert :
Puits du Grand Cèdre . Nous descendons jusqu’à la dernière
vire (terrasse étroite) .
Une lampe électrique et une paire
de pitons sont attachés au bout de notre premier rouleau
de ficelle : fais descendre . Puis c’est un autre rouleau,encore
un autre , encore un autre ...on rêve , ce n’est pas
croyable , ce n’est pas possible , quel trou !!!
Enfin la ficelle se détend ,
nous entendons faiblement le bruit métallique des pitons
touchant le fond et nous ne percevons même pas la lueur
de la lampe . Un repère est fixé sur la ficelle , il
ne reste plus qu’à remonter pour faire une grosse pelote
avec toute la fine corde dévidée .
Nous sommes très impressionnés
. On ne connaît pas exactement la longueur de chaque
rouleau de ficelle mais on peut estimer que le puits
fait plus de 150 mètres !
Nous remontons rapidement , tremblants
de froid et sans doute aussi d’émotion .
A notre arrivée à la ferme du
Marcounet nos combinaisons sont givrées par le froid
; il fait nuit noire mais l’équipe de soutien nous attend
. Nous racontons notre descente et l’évaluation que
nous faisons de notre mesure . Ils vont descendre à
leur tour et remonter le matos . Un casse-croûte rapide
, un nescafé brûlant et dodo dans la paille de la grange
.
De retour à Albi je me souviens
avoir déroulé la grosse pelote de ficelle avec Claude
et l’autre J-F . Nous étions devant le local des spéléos
d’Albi : un trottoir , une rue , le trottoir d’en face
, on continue , on déroule et c’est long , c’est long
. Nous trouvons 165 mètres depuis le dernier relais
ce qui donne 187 mètres depuis le départ du puits .
Claude annonce la plus haute verticale absolue d’Europe
connue à ce jour !!
Pour attaquer un tel morceau
, de gros moyens sont nécessaires et après un tas de
réunions des différents responsables du département
, une véritable expédition regroupant tous les clubs
spéléos du Tarn sera organisée sous l’égide de la FTSA(Fédération
Tarnaise de Spéléo-Archéologie) dont Jean Lautier est
le président fondateur .
Il
est décidé que tout le monde se retrouve pendant l’été
les deux premières semaines de Juillet .
Les plus jeunes , comme les membres
de notre équipe, seront en vacances scolaires , les
autres prendront exprès leurs congés à cette période
pour participer à la manœuvre .
L’originalité de la manip sera
dans les moyens utilisés pour permettre à quelques-uns
d’entre-nous de faire la descente du grand puits : on
va utiliser un treuil pneumatique (à air comprimé) du
type de ceux que les mineurs emploient pour tirer du
matériel sur les longs plans inclinés dans les mines
; léger , performant et robuste . Cela veut dire qu’il
faudra aussi amener un compresseur près de l’entrée
de l’aven ; ce qui n’est pas évident car nous aurons
à parcourir 800 mètres à flanc de montagne et la pente
va nous obliger à tailler un véritable chemin sur une
grande partie du trajet .
Le compresseur qui produira
l’air comprimé en surface et le treuil situé à la côte
moins 155 seront reliés par près de 400 mètres de tuyaux
. Des contacts sont pris , des accords sont passés.
Finalement la maison MACO fournit le compresseur et
la maison SAMIA nous prépare un treuil pneumatique sur
mesure .
Les techniciens disent que c’est
possible et que ça doit marcher . A notre connaissance
, jamais en spéléo on n’a tenté d’utiliser une telle
technique ! Il faut y croire !
Notre équipe va passer l’hiver
et le printemps 65 à s’entraîner dur : il n’est pas
question de flancher en juillet quand on va retrouver
les autres groupes de spéléos et attaquer les gros travaux
. Nous avons tout juste 20 ans et seulement 3 ou 4 ans
d’expérience souterraine ; c’est peu par rapport à d’autres
équipes qui ont des gars plus âgés et plus expérimentés
que nous .
Le chemin sera commencé à la
pelle et à la pioche quelques semaines avant le gros
coup par les gars qui sont libres les W.E . Je me souviens
d’un trajet pour y aller . Nous avons glissé sur la
route mouillée avec notre grosse Frégate et une roue
arrière est restée dans le petit fossé . C’était après
Lacaune à la tombée du jour dans une descente ; impossible
de repartir .Heureusement une grosse camionnette bâchée
est arrivée dans l’autre sens . Le conducteur : « descendez
les gars » . Ils sont 7 ou 8 sous la bâche assis sur
des bancs face à face ; des bûcherons taillés comme
des armoires à glace , à la mine sombre , silencieux
et inquiétants !! « Trois d’un côté , trois de l’autre
» et pratiquement sans un mot les gaillards soulèvent
la voiture et la reposent sur la route : facile !
C’est à l’occasion de cette sortie
je crois que nous avons rencontré pour la première fois
le RPPM (Révérend Père Pierre-Marie de la Morsanglière
de son vrai nom) .
Il venait voir les couches géologiques
traversées par l’aven du Marcou .Nous l’avons accompagné
dans sa descente et il nous faisait des commentaires
éclairés sur les différentes strates rencontrées. Moine
à l’Abbaye d’En Calcat , il avait je crois 54 ans à
ce moment là .
Géologue
et paléontologue , il étudiait une grotte dans laquelle
des générations d’ours des cavernes s’étaient succédées
pendant des dizaines de milliers d’années .
Particularité de cette grotte
: elle servait de maternité aux mamans ourses et on
pouvait voir les aires de mise bas fossilisées par la
calcite .
Sous les planchers stalagmitiques
parfois très épais , il avait retrouvé des quantités
d’ossements d’ours , certains vieux de quarante mille
ans .
Nous avons eu quelques temps
plus tard l’honneur et le plaisir de voir ses collections
à l’Abbaye et de visiter sa grotte , fermée par une
grille cadenassée et pourtant régulièrement pillée de
nuit par ou pour des collectionneurs cupides .( Il existe
un marché des crânes et des dents d’ours) . Nous y étions
allés pour nettoyer les dégâts causés par ces voleurs
imbéciles .
Le RPPM donc nous fit connaître
la géologie du Marcou .
Le chemin pour le compresseur
est bien avancé quand 32 spéléos du Tarn , plus une
infirmière , se retrouvent début juillet au mont Marcou
.
Albi , Castres , Carmaux , Lavaur
, Brassac , Sorèze , Dourgne : tous les clubs spéléos
du Tarn sont représentés .Le président de la Fédé J.
Lautier est de la partie .
Le camp de base est installé
près de la ferme du Marcounet .
Chacun plante sa tente où il
peut : le terrain est très irrégulier . Le coin le plus
plat a été choisi pour installer une grande tente marabout
qui servira de salle à manger commune et de salle de
briefing ; juste à côté le coin cuisine .
Nous sommes 5 du clan Tapitawi
(tous unis en langue indienne) de Carmaux :J. Julvez
, JF Puget , JC Baptista , JP Bès et moi . Nous retrouvons
des gars que nous connaissons , mais aussi plein de
nouvelles têtes ; l’ambiance est super.
Le chemin sera vite terminé .Le
compresseur Maco de 2 tonnes est utilisé pour faire
marcher des marteaux piqueurs ce qui facilite le boulot
. Les derniers mètres sont franchis grâce à 2 tireforts
et des élingues en acier : il y a trop de pente pour
tracer un chemin . Le Maco est installé sur sa plate-forme
à quelques mètres de l’entrée .
Notre équipe a été chargée d’installer
une ligne téléphonique qui va partir d’une tente placée
à l’entrée de l’aven et qui ira jusqu’au dernier relais
où sera placé le treuil pneumatique .
Trois postes intermédiaires permettront
de joindre la surface ou les autres postes sans trop
se déplacer: salle à manger , salle de Joly , entée
du grand puits .(Voir plan)
Ce sont des téléphones de campagne
à magnéto très rustiques qui s’avèreront extrêmement
utiles pour gérer la descente du matériel et le renouvellement
des équipes .
On s’est bien appliqué à cacher
le fil (rouge et blanc) pour qu’il ne soit pas accroché
et arraché par le passage des spéléos et du matériel
. Tous les postes fonctionneront très bien sans le moindre
problème durant toute l’expédition .
Descendre les tuyaux est une
sacrée partie d’acrobatie .
Les flexibles en caoutchouc sont
souples mais assez lourds tandis que les tuyaux en PVC
sont légers certes mais ne se plient pas . Pour la salle
de Joly et la rivière on va pouvoir installer ces tuyaux
collés en ligne droite ou presque .
Il est facile d’imaginer les
problèmes de joints et d’étanchéité. Dès les premiers
essai on constate des fuites ici et là ; surtout aux
joints des deux types de tuyaux utilisés .
Le treuil installé sur sa chèvre
est maintenu par des élingues fixées avec des spits
( sortes de pitons) plantés dans la paroi . On a mis
le paquet ; la chèvre est au-dessus du vide , plein
gaz . Il faut que ça tienne , on n’a pas droit à l’erreur
.
L’ingénieur de chez SAMIA descend
pour faire tourner le treuil ( plus exactement 2 ou
3 spéléos le descendent , il se laisse faire , il est
super !)
Après
plusieurs essais on trouve la bonne carburation : au
départ on envoie 8 Kg de pression avec le compresseur
, à l’arrivée au treuil il nous reste entre 800 grammes
et 1 kg .
On perd 85 à 90% de pression
, c’est beaucoup , mais le treuil peut fonctionner dans
ces conditions en tout sécurité . Le seul petit ennui
, c’est qu’il givre un peu ; des cristaux de glace se
forment dans l’huile et il fait un bruit de moulin à
café !
La fatigue se fait sentir ; le
manque de sommeil aussi . Au moment d’un casse-croûte
, un gars s’est endormi debout , appuyé contre la paroi
, les pieds dans la rivière . On lui a donné sa tartine
de pain et son maquereau ; bien sûr le maquereau est
tombé dans l’eau ! Il l’a repêché sans rien dire et
l’a mangé ...les yeux toujours dans le vague , absent
, il dormait !!
Il nous est arrivé, au début
surtout , de rester assez longtemps au fond . Je me
souviens y avoir passé 36 heures d’affilées quand on
a descendu le treuil et sa chèvre . C’est ce jour-là
que nous avons fait un aller retour non stop avec JC
pour ramener de quoi manger : en bas nous avions faim
et en haut tout le monde était fatigué , personne ne
voulait nous descendre « la bouffe » .
En
remontant la rivière j’ai reçu un parpaing sur le casque
et je me suis retrouvé à genoux, un peu sonné, mais
pas de mal ! Le casque est troué , pas ma tête . C’est
ce qu’on appelle « prendre un pet au casque » ; vous
comprenez mieux maintenant pourquoi je raconte autant
de bêtises .
Nous avons donc fait ce jour-là
, deux descentes et deux remontées , ce qui fait pas
mal de mètres d’échelle, mais que ne ferait-on pas pour
un croûton de pain ?
Trois personnes (2 gars et 1
fille) de la télé de Montpellier sont restés plusieurs
jours avec nous . Je me souviens du nom de la fille
: Josy-Anne Blanc , nous avons le même patronyme .
Le caméraman , lui , m’a fait
une drôle de surprise : un jour en rentrant au camp
de base , je l’ai croisé sur le chemin ; j’ai cru me
voir marcher : même taille, même allure , mon futal
et ma veste kaki , c’était moi ! il avait piqué mes
fringues de rechange et s’apprêtait à descendre avec
une équipe pour tourner des images !! Faut pas se gêner
!
Grâce
à lui toutefois nous avons vu le grand puits éclairé
avec ses spots : une vision unique.
C’est aussi à cause de ce gars
que j’ai eu une main légèrement brûlée . Il filmait
des sorties de spéléos et sans le vouloir il coinçait
l’échelle . Je sortais , j’ai voulu décoller l’échelle
de la paroi pour y mettre mes pieds ; la secousse a
excité ma lampe à acétylène et une grosse flamme a giclé
( on appelle ça "faire le chalumeau ") , j’avais la
main droite juste au-dessus coincée entre la paroi et
un barreau : elle a tout pris , j’ai eu une belle cloque
que l’infirmière du camp m’a soignée .
Un soir nous avons bien sur fait
la descente...à St Géniès pour voir les infos régionales
et nous avons eu le plaisir de nous voir en vedettes
à la télé !!
A partir de ce moment là, les
visiteurs furent plus nombreux au Marcou .
J’avais déjà eu la surprise et
le plaisir de voir ma mère accompagnée de deux amis
Mr et Mme Vic ; ils ne m’avaient pas prévenus et je
fus tout surpris de les retrouver à l’entrée du trou
; ils apportaient quelques bonnes bouteilles pour soutenir
les troupes !
Les
gendarmes eux étaient présents dès les premiers jours
; ils avaient été prévenus ; ils nous apportaient les
prévisions météorologiques pour la journée . De ce point
de vue, nous avons eu un temps idéal . J’imagine un
gros orage , la rivière en crue : impossible de continuer
; trop dangereux .
Des gens de la vallée montaient
même à pied ; certains ont mangé à midi avec les gars
de permanence à la surface et ont passé l’après midi
à discuter en attendant de voir sortir quelques-uns
de ces hurluberlus qui se baladent sous la terre !
Les
derniers essais sont impeccables ; tout est OK . C’est
parti .
Le premier à descendre , suspendu
à son câble comme une araignée au bout de son fil ,
c’est Jean Julvez . C’est le plus gonflé de notre équipe
. Il aura l’honneur et
le privilège de faire la première .
Il est équipé d’un téléphone
pour communiquer avec l’ingénieur de SAMIA qui pilote
le treuil :
« C’est bon , on continue
, pas de problème , on descend , tout va bien , ça commence
à tourner......on continue …on descend... »
A ce moment là , je suis à la
surface dans la petite tente à l’entrée du trou avec
d’autres spéléos et nous partageons les écouteurs pour
suivre la descente . Je surveille aussi le compresseur
car le gars de chez MACO a fini la bouteille de Martini
apportée par Mr Vic et il fait une grosse sieste !!
La
descente dure près de 15 minutes - c’est long - ...
et J. Julvez touche le fond , à moitié saoul ! Le câble
pourtant anti-giratoire n’a pas suffisamment fait son
effet et le pauvre est arrivé en bas en faisant la toupie
. Rien de grave , il s’en remettra très vite .
Tous les téléphones parlent en
même temps pour le féliciter et lui dire notre joie.
Il va visiter un moment le fond
du grand puit; c’est un amoncellement d’énormes blocs
sur un espace de plus de 40 mètres de diamètre . Il
reste assez peu de temps seul en bas; il va retrouver
son fil d’Ariane et remonter jusqu’au treuil puis dans
la foulée et avec toute l’équipe du fond il va rejoindre
la surface .
On l’attend , ça va être sa fête
!! Et on lui a fait sa fête !!
Je vois encore sa tête quand
il est sorti du trou ! Il a réussi . Nous avons réussi
!C’est le bonheur .
A partir de ce moment-là notre
expédition était un succès ; nous avions vaincu et ce
pour la première fois une verticale absolue de 165 mètres
du nom de Puits du Grand Cèdre dans l’Aven du Mont Marcou
!!!
Il restait à parachever l’exploit
et envoyer d’autres spéléos en bas ; une liste avait
été préétablie .
Ce fut donc ensuite le tour de
Claude Bou qui eut des problèmes avec le câble téléphonique
: à la remontée les spires avaient fait un tas de boucles
et c’est un énorme sac de nœuds qui est remonté en même
temps que Claude .
Après , c’est Brugier qui est
descendu puis Thierry Barthas , mais je devais dormir
au moment de sa descente, car je ne me souviens pas
comment ça s’est passé .
Bien
sûr on ne pouvait pas continuer jusqu’à ce que tout
le monde soit allé au fond ; les jours passaient et
il fallait remonter le matériel avant que le séjour
ne soit terminé .
Le 14 Juillet quelques-uns d’entre-nous
monterons le soir au sommet du Mont Marcou pour assister
aux feux d’artifices tirés un peu partout en bas dans
la plaine . Nous avions notre victoire et ceux d’en
bas nous offraient le spectacle pyrotechnique : magnifique
! Je crois me souvenir que nous avions compté 17 départs
de feux d’artifices différents !
La remontée du matériel fut assez
rapide mais nous n’avions pas terminé à la date prévue
.
Notre équipe et quelques autres
avons continué un jour de plus pour finir le travail
, nous étions en vacances .
Je me souviendrai toujours de
la bobine du treuil pneumatique : presque 200 mètres
de câble , ça pèse ! Je la trimbalais dans un sac à
dos , et sans l’aide de Brugier , je n’aurais pas pu
remonter la salle De Joly . Il me prenait par les bretelles
et me relevait chaque fois que je glissais et me retrouvais
à genoux . Merci Brugier .
Si je ne fais pas erreur nous
avons quand même laissé au fond le treuil à main dont
je n’ai pas parlé et qui était installé à l’entrée du
grand puits , vingt-cinq mètres au-dessus du treuil
pneumatique .Il y est peut-être encore aujourd’hui .
Retour
à la maison , à Fontgrande , sans problème avec tout
de même un accueil assez particulier : ma cousine Danièle
est de passage chez nous ; elle a tapissé les volets
de la fenêtre de la salle à manger avec du papier sur
lequel elle a écrit en grosses lettres : « Bienvenue
au héros valeureux » .
C’est gentil non ??
J’ai pris un bon bain tout à
fait nécessaire car nous devions tous sentir l’ours
des cavernes parfumé à l’acétylène ( ce qui peut surprendre
les non initiés !). J’ai pratiquement mangé tout le
repas prévu pour la famille et je me suis couché .
Mon sommeil a duré 24 heures
sans la moindre interruption !! Nous avions accumulé
un énorme manque pendant 15 jours .Au bout d’un certain
temps , ma mère étonnée surveillait mon sommeil et venait
me voir de temps en temps puis revenait auprès des siens
en leur disant : « il va bien , il n’est pas chaud ,
il n’est pas malade , il dort toujours !! » J’étais
dans la moyenne , car les autres membres de l’équipe
ont dormi eux aussi de 23 à 25 heures pour rattraper
le retard .
36 ans après , je livre ici quelques-uns
de mes souvenirs sur cette belle aventure .
Je ne peux tout de même pas passer
sous silence un triste événement que J. Lautier me racontera
par le détail quelques temps plus tard .
Dans les années qui suivront
notre exploit , les spéléos vont utiliser le jumar très
couramment et pourront ainsi attaquer le grand puits
avec des moyens très légers .Malheureusement un jeune
spéléo de Montpellier y laissera sa vie ; suspendu à
sa corde dans le grand puits , une plaque de calcaire
s’est décrochée et lui est tombée dessus ; il mourra
avant que les secours n’aient pu le remonter .
Si des anciens du Marcou
lisent ces lignes , ils pardonneront mes oublis et rectifierons
eux-mêmes les erreurs que j’ai sans doute commises ,
leur mémoire ayant peut-être gardé des souvenirs plus
précis que les miens .
Je
salue ici Jean Lautier et Jean-Paul Bès deux anciens
qui nous ont quitté.
Quelques années plus tard je
retrouverai les gars de la Fédé mais pour des raisons
archéologiques cette fois ce qui est une toute autre
histoire .
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